Quand on parle des différentes branches de la médecine, on parle souvent de la cancérologie ou de la pédiatrie mais jamais de la cancérologie pédiatrique. Pourtant c’est une spécialité qui existe bien et Odile Schweiguth en est l’une des pionnières.
Née le 18 octobre 1913 à Remiremont (Vosges), elle grandit entre la France et l’Allemagne où elle fait la majeure partie de sa scolarité.
De retour en France, elle commence des études de médecine à Nancy qu’elle finira à Paris afin de suivre sa famille qui y déménage. Après une thèse en oncologie, elle obtient son diplôme de médecine en 1946. Intéressée par la pédiatrie, elle commence sa carrière à l’Hôpital des Enfants Malades et se forme auprès du Professeur Robert Debré, pédiatre déjà reconnu.
En 1948, René Huguenin, directeur de l’Institut Gustave Roussy (IGR), institut spécialisé dans le traitement des cancers, est à la recherche d’une personne pour s’occuper du service de pédiatrie. À l’époque, le cancer des enfants n'avait que peu d'intérêt chez les médecins qui l’estiment pratiquement incurable. Le poste restant vacant, René Huguenin demande conseil à Robert Debré qui lui donne le nom de Odile Schweiguth. Elle devient alors cheffe du service pédiatrie.
À ses débuts à l’IGR, les enfants étaient traités dans le même service que les adultes. Elle demande à plusieurs reprises la création d’un service spécialisé aux enfants avec des installations adaptées. Après avoir essuyé de nombreux refus, elle fait pression et finit par obtenir son propre service. C’est ainsi qu’en 1952, Odile Schweiguth fonde le premier service de cancérologie pédiatrique français et même européen.
Elle acquiert de l’expérience au fil des années et monte le premier cours de spécialisations sur les leucémies et les tumeurs solides chez l’enfant. En 1959, elle part se former aux Etats Unis notamment à la clinique Jimmy Fund, un centre de cancérologie infantile. La-bas, elle découvre une perspective différente du cancer chez les enfants qui n’est pas considéré sans espoir mais qui serait bien curable. Elle y observe également une prise en charge totalement novatrice où les aspects psychologiques sont importants et pris en compte lors de l’accompagnement des patients.
De retour en France, Odile Schweiguth importe avec elle cette nouvelle vision et met en place un accompagnement psychologique des enfants et des familles en parallèle des traitements. En outre, consciente de la difficulté de sa spécialité et du stress engendré par le travail avec des enfants très malades parfois proches de la mort, elle établit un service psychologique qui vise à apporter un soutien et d'éviter l'épuisement professionnel chez les personnels de santé. C'est le premier service au monde de ce type.
À partir de 1966, elle encourage des médecins à venir visiter son service. Des praticiens viennent des quatres coins de la France et de l’Europe pour observer et se former. L’institut devient grâce à elle le centre de formation sur les traitements des cancers infantiles.
Convaincue de l’importance de la cause des enfants atteints de cancer, elle publie en 1970 "Faut-il les laisser mourir ?" dans les Archives françaises de pédiatrie.
Dans ce plaidoyer, elle fait le bilan de tous les progrès accomplis dans sa discipline et défend l’existence d’un réel intérêt scientifique dans l’oncologie pédiatrique et sa prise en charge. De par ses voyages et ses rencontres lors des visites dans son service, elle se crée un réseau de personnes qui partagent ses idées et crée la Société internationale d’oncologie pédiatrique (SIAP).
Tout au long de sa carrière et même après sa retraite en 1978, elle a gardé un lien fort avec nombre de ses patients avec qui elle continuait de correspondre jusqu’à la fin de sa vie.
Odile Schweiguth a ainsi formé toute une génération d'oncologues-pédiatriques et a joué un rôle essentiel dans la structuration de cette discipline nouvelle qu’était l’oncologie-pédiatrique. Elle a permis de mettre en lumière en France et en Europe la possibilité de soigner les enfants atteints de cancer et contribué à la reconnaissance de cette spécialité qui a longtemps été ignorée. Sa détermination et son dévouement pour la cause des enfants lui ont valu la plus haute distinction civile française, la Légion d'Honneur.
Bibliographie :
Rédigé par Aymane
Comments