Tout d’abord, pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, l'électroconvulsivothérapie (ECT ou shock therapy) est un traitement qui consiste en une stimulation électrique du cerveau réalisée sous *anesthésie générale. Petit point historique: c’est en 1938 en Italie qu’est utilisé pour la première fois l’ECT sur un patient. Deux psychiatres l’emploient pour traiter un patient schizophrène qui souffrait de crises psychotiques fréquentes. On note que l’évolution des techniques d’ECT est considérable dans le monde entier depuis les années 1930, de ce fait son application diffère dans chaque région du monde. En Asie, par exemple, l'ECT est surtout utilisée pour traiter la schizophrénie. Tandis que c’est essentiellement en Occident que l’ECT est employée pour traiter la dépression sévère.
Le processus de l’ECT est simple : 2 électrodes sont placées sur la tête du patient et envoient une décharge électrique au cerveau provoquant **une brève crise convulsive contrôlée de 20 à 90 secondes. Dit comme cela, vous pensez sûrement aux méthodes de torture exposées dans les séries policières et pourtant il n’en est rien ! D’ailleurs, ce sont malheureusement ces fausses représentations de “shock therapies” qui pendant longtemps ont occulté leurs nombreux bénéfices sur des patients atteints de troubles psychiatriques graves.
Il est donc essentiel de bien comprendre son mécanisme d’action sur les patients pour déconstruire la stigmatisation autour de cette pratique.
On s’intéressera ici plus particulièrement aux avancées dans la recherche du mécanisme d’action de l’ECT sur les personnes atteintes d’un trouble de dépression sévère. Dans ce cas, le recours à l’ECT est souvent motivé par une résistance aux médicaments et aux traitements psychologiques.
Quelques repères sur la dépression :
D’après l’OMS “La dépression est un trouble mental courant et touche 3,8 % de la population mondiale. Elle se caractérise par des épisodes dépressifs avec la présence d’une humeur dépressive (sentiment de tristesse et de vide, irritabilité) ou d’une perte durable de la capacité à éprouver du plaisir ou de l’intérêt.”
La dépression sévère est une forme grave de trouble dépressif où la personne a connu plus de deux épisodes dépressifs. Elle est caractérisée par 3 symptômes principaux :
Une humeur dépressive intense et persistante (tristesse, vide émotionnel, irritabilité)
Une perte marquée d'intérêt ou de plaisir
Une fatigue extrême et une perte d'énergie importante
Des avancées sur le mécanisme d’action de l’ECT comme anti-dépresseur :
D’une part, en 2018, [1] une équipe de chercheurs en neurosciences de l’Institut de neurosciences de Grenoble et leurs collaborateurs ont administré ces fameux chocs électriques à un modèle de souris présentant des symptômes similaires à la dépression humaine comme le manque de motivation chronique. Ils ont observé une amélioration temporaire des symptômes après un traitement de 15 jours à raison de 5 sessions par semaine. Pour observer une amélioration sur le long terme et éviter la rechute des souris, ils ont dû allonger la durée du traitement et augmenter le nombre de sessions hebdomadaires progressivement. En procédant à d’autres expériences synchrones, les chercheurs ont découvert que l’ECT favorisait la production de nouveaux neurones ce qui pourrait expliquer l’amélioration des symptômes.
On notera que les bénéfices ne sont observés que lors du traitement.
D’autre part, aux États-Unis, [2] une équipe de neuroscientifiques de l’UCSD et ses collaborateurs ont découvert par sérendipité (découverte inattendue et fructueuse d'informations ou d'objets, souvent alors que l'on cherchait autre chose ndlr) que l’ECT accentue un bruit de fond cérébral, le “brain background noise”, qui serait associé à des inhibiteurs neuronaux. Les chercheurs supposent que cette inhibition provoquée par ECT est corrélée à une diminution des symptômes de la dépression. Ils s’expliquent en s’appuyant sur d’autres récentes études. D’après eux, les brèves crises d’épilepsie par ECT permettraient de rétablir un équilibre entre l’excitation et l’inhibition dans le cerveau et donc de réguler l’activité cérébrale. [3]Puisque pour rappel, la dépression est liée à un déséquilibre de l’activité cérébrale. Cependant, de nombreuses incertitudes subsistent par conséquent, pour prouver ce lien entre le bruit de fond cérébral et la dépression, des études expérimentales sur de plus grandes cohortes sont requises.
Il est également primordial de ne pas négliger les risques d’effets secondaires que présente un traitement par électroconvulsivothérapie, qu’il soit utilisé contre la dépression, la schizophrénie, la bipolarité ou d’autres troubles mentaux. On se propose d’en énumérer quelques-uns liés à l’anesthésie ou à la crise induite comme le mal de tête, la nausée, la perte de mémoire (longs épisodes) ou encore la désorientation (court terme). On précise bien sûr qu’ils varient selon les patients.
Par ailleurs, d’après [4] une étude du Translational Psychiatry (2001-2020), 50 à 70 % des patients atteints de dépression sévère voient leurs symptômes s’améliorer grâce à l’ECT. Ce qui est un taux bien plus élevé que le traitement médicamenteux qui aide 10 à 40 % des patients dépressifs. [5]
En somme, bien que des études plus approfondies soient nécessaires, les avancées récentes permettent non seulement de mieux expliquer l’efficacité de l’ECT sur les troubles dépressifs sévères, mais aussi de mieux informer les patients. De cette manière, des traitements plus individualisés pourront être prescrits aux patients et ainsi réduire le risque d’effets secondaires.
Notes:
*On parle d’ECT non-modifiée lorsque les patients sont conscients lors du traitement, c’est-à-dire que l’ECT est effectuée sans anesthésie.C’est interdit en Occident depuis les années 1950, les patients doivent être sous anesthésie générale donc inconscients. Mais dans certaines régions du monde en développement comme en Asie ou en Afrique, des ECT non-modifiées sont encore réalisées.
**Les ECT sont administrées sous forme de séances individuelles en général 3 fois/semaine.
Rq: le nombre de séances hebdomadaires est déterminé par le médecin en charge du patient.
Vous trouverez ci-dessous les sources utilisées dans cet article et des articles connexes.
Rédigé et édité par Basma AE.
- “How electroconvulsive therapy works in the treatment of depression: is it the seizure, the electricity, or both?” 2023, Neuropharmacology ; voir “Brief history of the clinical use of ECT”
- “Eight years of electroconvulsive therapy in Croatia and in Sestre Milosrdnice University hospital centre”, 2020, National Library of Medicine (NIH)
- “Electroconvulsivothérapie (ECT)”, The Center for Addiction and Mental Health (CAMH)
- “Dépression à répétition: quels effets sur le cerveau ?”, 2014, INSERM (presse)
[1] “Dépression: par quel mécanisme agit l’électroconvulsivothérapie ?”, 2018, INSERM
[2] “Brain’s ‘background noise” may explain value of shock therapy”, 2024, Quanta magazine
[3] “Electroconvulsive Therapy”, 2022, National Library of Medicine; voir “Anatomy and Physiology”
[4] “Comparative efficacy and cognitive function of magnetic seizure therapy VS ECT”, 2021, Neuropharmacology
[5] “Cost-effectiveness of Electroconvulsive Therapy vs Pharmacotherapy”, 2018, Jama Psychiatry
[6] Desideratum of Electroconvulsive Therapy for the Ministration of Distinct Psychological Infirmity, 2023, Research Gate
Articles connexes:
Approfondir l’étude avec le modèle de souris dépressives [1]:
“Short- and long-term efficacy of electroconvulsive stimulation in animal models of depression: The essential role of neuronal survival”, 2018, National Library of Medicine (NIH)
Comparer l’efficacité du traitement par stimulation magnétique transcrânienne avec l’ECT qui présente plus d’effets secondaires:
“Comparative efficacy and cognitive function of magnetic seizure therapy VS ECT”, 2021, Neuropharmacology
Comprendre le traitement par stimulation magnétique transcrânienne (STM):
“La stimulation magnétique transcrânienne”, The Center for Addiction and Mental Health (CAMH)
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